Paul KAGAME est un homme pressé. Le vendredi 22 juillet 2017, au moment où en compagnie de quelques confrères nous le rencontrons aux environs de 21 H 30 dans une suite de l’hôtel Marriott de Kigali, il avait déjà tenu selon ses dires une bonne quinzaine de réunions, mené sa campagne présidentielle sur le terrain, participé à la clôture du sommet Youth Konnect en compagnie du milliardaire chinois Jack MA.
La nuit où il nous a reçu durant plus d’une heure, il lui restait encore deux autres réunions à boucler, avant d’aller se coucher...Son programme du lendemain prévoyait pas moins de trois meetings de campagne dans trois villes distinctes du pays. Un programme de marathonien, pour un leader de 60 ans, qui a mené à la victoire en 1994 le Front patriotique rwandais en lutte armée contre le régime de Juvénal Habyarimana. Vice-président du pays lors du retour à la paix en 1994, il prendra les rênes du pouvoir en 2000 pour ne plus le quitter.
Au passage, le Rwanda, petit pays de 26 338 km2 pour 11,9 millions d’habitants a été complètement transformé sur les plans social, économique et sécuritaire. Aujourd’hui, 23 ans après le génocide qui a causé officiellement un million de morts, le Rwanda est unanimement considéré en Afrique comme étant le modèle à suivre sur le plan de la bonne gouvernance.
Pour ne citer que quelques exemples de ce qui se fait dans ce pays, sous peine de fortes amendes, il est interdit de jeter des ordures au sol, de faire pipi ostensiblement dans les rues. Les moto-taximen portent tous casques et chasubles, la parité homme-femme est intégrale dans toutes les institutions publiques, il n’existe pas de parc automobile de l’Etat (les fonctionnaires reçoivent des crédits automobiles pour se doter chacun de leur véhicule), il existe une assurance maladie, les nécessiteux reçoivent de l’Etat une aide mensuelle, etc…
Au terme des discussions avec Paul KAGAME, voici quelques confidences que nous avons pu retenir :
Sur les relations avec les autres pays d’Afrique francophone
Pendant très longtemps, le Rwanda n’a pas souhaité développer avec les pays d'Afrque francophone des liens de coopération. Le régime qui ne se sentait pas assez fort sur le plan sécuritaire craignait des tentatives de déstabilisation ourdies par la France via ses anciennes colonies. Depuis quelques temps, la donne diplomatique a changé. Kigali s’est progressivement ouvert aux pays de l’Afrique de l’Ouest et centrale. Exemple marquant de ce rapprochement, au départ de Kigali, une liaison quotidienne est assurée par la compagnie nationale Rwand’Air avec la plupart des capitales d’Afrique francophone.
Sur Laurent Gbagbo et Thomas Sankara
Paul Kagame estime que ces deux grands leaders ont tous fait preuve de naïveté. Au cours d’une visite effectuée par Laurent Gbagbo au Rwanda alors qu’il était encore au pouvoir, Paul Kagame dit avoir signalé au président Ggabgo que la Côte d’Ivoire avait commis l’erreur de signer en 1998 le traité de Rome sur la Cour Pénale internationale. Il avait alors prédit à ce dernier que les occidentaux allaient profiter de cette institution pour le faire arrêter.
Quant à Thomas Sankara, il dit avoir lu des interviews de ce dernier dans lesquelles il indiquait clairement que Blaise Compaoré n'aurait aucun mal à réussir à le renverser. D’où son interrogation « Comment pouvait-il savoir exactement quelle était la menace et ne pas chercher à s’en prémunir?».
Sur la Cour Pénale Internationale
Le leader rwandais pense que les Etats africains n'ont pas besoin de ce type d'institution pour gérer leur problème. "Pourquoi les américains et les autres qui nous demandent de signer ce traité ne le font-ils pas eux-mêmes s'ils le trouvent si bon? " rappelle-t-il. Il se dit être prêt à accueillir le soudanais Omar El Bechir (poursuivi par la CPI) et s'étonne de voir certains leaders africains siéger avec le soudanais lors des sommets de l'Union africaine et réclamer son interpellation une fois rentrés chez eux...
Sur Donald Trump
Au cours d'une audience, des ressortissants américains lui auraient demandé ce qu'il pensait du nouveau président Trump. Il a répondu que ce n'était pas à lui de le juger, ce président n'étant que le fruit de la démocratie américaine et qu'il travaillerait sans états d’âmes avec tout président produit par la démocratie américaine.