Le Togo est devenu le pays de la crise permanente avec des soubresauts de violences et de morts. Le présent n’assure donc rien de bon pour l’avenir. Le pouvoir acculé propose un 24è dialogue et des commentateurs s’empressent d’annoncer des exclusions. Notre patrie est ainsi la proie des fractions multiples, divergentes et dévorantes qui la dominent, l’abaissent, la divisent et la paralysent. Malheureusement, son intérêt supérieur et permanent n’a plus son instrument et son répondant en la personne du Chef de l’Etat car ce dernier est aussi partisan. En conséquence et en plus de la misère ambiante, des injustices sociales graves et de la corruption généralisée, la masse du peuple ressent douloureusement la faillite de la gouvernance du pays.
Il est prouvé qu’en aucun temps et dans aucun domaine, ce que l’infirmité du Chef a, en soi, d’irrémédiable ne saurait être compensé par la valeur d’aucune autre institution. Dès lors, les préventions passionnées contre sa personne s’intensifient et se justifient. Si, par ailleurs, il a le dessein de conserver le pouvoir quel que soit le coût en violences, en perte de vies humaines et en avilissement, alors ce sont la paix civile et la stabilité politique du pays qui sont en péril. La posture actuelle du Chef de l’Etat et son refus d’accepter la réalité de l’échec de la gouvernance du pays est une inquiétante méprise. Cet état de fait accentue les hostilités à son égard, non seulement à l’intérieur du pays mais également à l’extérieur.
La crise devient de semaine en semaine un drame national. Sa récupération politique est donc funeste à la nation. Connaissant la propension de notre classe politique à la division et sa dispersion en tendances verbeuses, il est tragique que le Chef de l’Etat ne puisse pas se mettre au-dessus de la mêlée et tout en étant lénifiant inspirer le rassemblement de la nation et mettre le holà aux surenchères. Une nation a besoin d’un Chef, en mesure de trancher pour ce qui est essentiel à la destinée commune. Il va falloir abréger le combat d’usure, qui est en cours pour permettre à l’Etat de retrouver son autorité, afin qu’il puisse remettre les togolais pleinement au travail pour satisfaire leurs besoins vitaux, résoudre les graves problèmes économiques et sociaux du moment et relever les lourds défis de nos millions de jeunes sans travail et sans avenir.
Nul n’a le droit de jeter notre patrie dans l’abîme pour conserver le pouvoir ou pour y accéder. Le Chef de l’Etat doit savoir que les peuples sont versatiles. Il y a eu les mouvements de Mai 68 en France et même en Chine. Le Général De Gaulle a dû démissionner en 1969 après le vote contre son référendum pour la décentralisation. Mao Tsé-Toung a été obligé de faire la Révolution culturelle pour se débarrasser des cadres corrompus du parti communiste chinois. Les peuples ne sont au service de personne et les pays n’appartiennent à aucune dynastie. Ne pas le savoir relève d’un aveuglement tragique. C’est Dieu qui est le seul juge et c’est le temps ou l’histoire qui rend le jugement sur ce que nous avons fait avant de disparaître.
Présider à la destinée d’une nation est un privilège divin. Il est accordé pour un temps court. C’est aussi le cas pour les prophètes. Les peuples les tuent comme ils tuent leurs rois. Le Chef de l’Etat et ses partisans doivent comprendre que le pouvoir doit être exercé pour le bien général et non être occupé pour la jouissance d’une minorité. La Présidence d’une République est une charge qu’on ne porte efficacement et légitimement qu’avec la confiance explicite de la nation et le respect exigeant de sa loi fondamentale. Or, la Constitution en vigueur est violée impunément et impudemment depuis son adoption par référendum en 1992 et sa révision parlementaire en 2002. Son Titre X (Articles 132 à 136) est foulé aux pieds. Le Sénat n’a pas été mis en place ou supprimé dans la Constitution si la minorité n’en veut pas. Avec cynisme, l’Assemblée nationale s’est arrogé le pouvoir du Sénat en nommant à sa place trois (3) membres de la Cour Constitutionnelle avec la complicité du Chef de l’Etat, des politiciens et des intellectuels bien-pensant du pays. Ils ont violé aussi grossièrement l’article 100, alinéa 4, de la Constitution en vigueur et ils ont ainsi rendu la Cour Constitutionnelle carrément anticonstitutionnelle, illégale et illégitime. Le microcosme politique ne m’aime pas parce que je ne suis pas un vulgaire politicien. Pour un texte constitutionnel qui peut être lu en 15mn et que l’on peut s’asseoir et rédiger en deux journées, comment ne pas voir et savoir que les articles 8, 10, 11, 14, 15, 48, 51, 52, 56, 57, 74, 100, 104, 109, etc, qui sont essentiels pour le respect de l’Etat de droit sont violés avec autant de désinvolture ? Alors de quelle légitimité nous parlent les thuriféraires du régime ? Ils auraient pu aider le Chef de l’Etat à bien faire les choses pour justifier sa présence à la direction du pays.
Le peuple togolais a raison de manifester et de demander le départ du Chef de l’Etat. Il a le droit car il est souverain. Quand il se sent trahi par des frustes et des pignoufs alors il exprime sa vive colère. Il est urgent de remettre l’Etat debout, de rétablir l’ordre et la discipline et de ranimer l’espérance. Seul le Chef de l’Etat a encore le pouvoir de décider de la direction à prendre. Ce n’est plus le temps pour un quelconque dialogue. Les Chefs des Etats de la CEDEAO lui font une proposition légale et judicieuse pour lui éviter l’humiliation. Il doit s’engager à se retirer du pouvoir en 2020 et en contrepartie, il doit se débarrasser d’un gouvernement incompétent et corrompu.
Le pays est à la dérive et ira jusqu’au déchirement fatal si le Chef de l’Etat ne met pas en place sans délai un gouvernement de salut public ou de crise ou de transition. Il devra dissoudre l’Assemblée nationale en place, qui est devenue toxique pour la démocratie et devra créer une assemblée constituante, chargée de préparer un avant-projet de constitution à soumettre au Référendum. Le gouvernement de salut public ou de transition devra recomposer la CENI, organiser le Référendum puis les élections locales et législatives, créer le Sénat ou le supprimer et finalement mettre en place une nouvelle Cour Constitutionnelle, chargée essentiellement de juger de la constitutionnalité de la loi et de la régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, etc.
Si on ne veut rien perdre alors on perd tout. Les thuriféraires du régime ont déjà eu au-delà de ce qu’ils pouvaient espérer. Les jugements de l’histoire sont absolus. Elle ne fait pas de casuistique. Mr Faure Gnassingbé n’a plus d’autorité ni de légitimité pour remettre l’Etat debout. Quand il sollicite l’armée nationale pour l’aider à restaurer l’ordre, il viole le principe sacré de l’existence d’une armée. Ce sont la police et la gendarmerie qui sont chargées de l’ordre publique. Un militaire devenu ministre n’est plus un militaire et ne doit pas se faire protéger chez lui par des militaires. Voilà les crimes des violateurs des lois de la République et qui conduisent aux désordres et aux forfaits de toutes sortes. Il est inadmissible et intolérable de cautionner l’assassinat d’un homme et d’un militaire. Ce qui se passe actuellement dans notre pays est le résultat d’une faillite morale, sociale, politique et de gouvernance.
Il est encore temps de résoudre la crise pacifiquement. Bien sûr que la déliquescence du régime est patente. L’économie est en ruine et la misère fait d’énormes ravages. Les motifs d’une insatisfaction massive dans la population sont tangibles. Aucun palliatif ne suffira à atténuer les hostilités populaires. Ce n’est pas un conflit politique que nous vivons. C’est un conflit de société à la dérive et sans perspective. Mais nous savons que toute crise comporte ses chances et ses dangers. La haine et l’hystérie ne sont donc pas les réponses décisives à cette crise. La répression ne peut que l’aggraver et porter une grave atteinte à notre unité nationale. Par ce bulletin, j’accomplis mon exigeante mais exaltante mission de porter mon témoignage et de prendre l’offensive en faveur de la justice, de la paix, de la liberté et de la dignité de l’homme. Que Dieu m’entende, lui qui m’a chargé de ce sacerdoce patriotique et qu’il nous vienne en aide.
Nicolas LAWSON
Président du PRR
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