Je n’arrive pas à voir la mer étale et je continue de réfléchir. J’y reviens parce que votre mort n’est pas ce qui préoccupe les Togolais, mais bien le contraire. Fausse nouvelle ! Fausse alerte ! Qu’en avions-nous récolté ? Rien. Sinon, seulement il nous a été donné d’assister à la parade de votre camp RPT-UNIR-FAT, à la parade des « buveurs de gloire », des avides d’honneurs que vous êtes. Une parade qui nous a rappelé le « miraculé » de Sarakawa à Lomé. Vous êtes devenu aussi ce miraculé de fausse mort à Lomé ! Deux faux miraculés ! Cela nous a fait voir ce que nous avions perdu l’habitude de voir, ce que nous n’avions plus envie de regarder : une tourbe d’hommes en complet.
Des hommes, des femmes, la peur au ventre, craignant pour leur emploi, leur poste, se sont rassemblés malgré eux, et contre leur conviction personnelle, tels des moutons de Panurge, pour vous offrir un bain de foule. J’ai vu dans les rangs l’inusable Drama Dramani, avec ce qui le caractérise : la laine blanche sur la tête. Par contre, je n’ai pas pu voir l’autre inusable et le très discret conseiller, Barry Moussa Barqué, l’un des architectes du malheur togolais. Souvent calme, ne prenant presque jamais la parole, mais il est l’une des plus dangereuses âmes damnées de votre père et aujourd’hui de vous-même. Il n’est pire eau que l’eau qui dort. C’est le moins qu’on puisse dire sur son compte.
Ceux qui ont publié cette insanité sur vous pour distraire les Togolais et détourner leur attention de l’essentiel, de ce qui les préoccupe actuellement, ont tout simplement fait une embardée. Au fait, qui souhaite votre mort ? Personne. Si ce sont ceux qui ont fait cette plaisanterie de mauvais goût, ce vaudeville. Les Togolais font le vœu que vous retrouviez le plus promptement possible votre bonne santé et que vous viviez longtemps.
Votre père, Éyadéma Étienne Gnassingbé, a tué et jeté nuitamment dans la lagune, dans la mer, dans les forêts interdits d’accès les Togolais, mais il n’a jamais répondu de tout cela devant la justice des hommes avant de mourir imperturbablement dans son propre lit. Il était mort peinard comme Mobutu Sese Seko du Zaïre, sans goûter aux amertumes de la vie, à l’humiliation. Un jour viendra, je vous le promets, où « nous irons cracher sur sa tombe ». Trop de morts, trop d’honnêtes Togolais disparus comme un rêve, de réfugiés désespérés et pour qui trouver le bonheur, c’est la croix et la bannière, trop de vies brisées, d’espoirs de réussir interrompus, à tout jamais irréalisés, de rêves transformés en cauchemars. Tout cela est resté impuni.
La justice n’a jamais été rendue aux victimes, dont les plaies aux cœurs sont toujours saignantes, les souffrances ineffables, intraduisibles. Et comme si cela ne suffisait pas, vous qui l’avez remplacé de façon rocambolesque, vous continuez exactement et sans rémission la même chose. Vous êtes arrivé au pouvoir, faut-il vous le rappeler, dans le sang, faisant abattre froidement et avec préméditation les Togolais sur les corps desquels vous avez fixé votre trône. Les blessés et les forcés à l’exil se chiffrent à des milliers de personnes comme pour nous dire : tel père, tel fils ; les chiens ne font pas les chats. L’effusion de sang est loin de s’arrêter. Tous les jours que Dieu fait, les Togolais versent leur sang ; ils sont brutalisés, malmenés, piétinés dans leur dignité. Ils ne sont pas pour vous une « fin en soi », une dignité.
Vous vous souvenez, Monsieur le Président, de la femme qu’on a montrée la semaine dernière dans un clip sur le site « letogovi.com », une femme au visage tuméfié, au corps semé d’hématomes, endolori. Où est sa dignité ? Où se trouve le respect de son humanité ? Vos gendarmes, aux mains lestes, ont fondu sur elle, tel un aigle sur sa proie. Son seul crime, c’est d’avoir osé dire que trop, c’est trop. Vous ignorez sans doute, Monsieur le Président, que toute forme de mépris de la dignité humaine a pour nom le fascisme qui évoque Mussolini, Hitler, etc.
Devant tous ces crimes innommables et odieux, souhaiter votre mort, c’est non seulement déraisonner, mais aussi c’est vouloir signifier qu’ils resteront impunis. « Dis-leur : ‘’Par ma vie […], je ne prends pas plaisir à la mort du méchant, mais à la conversion du méchant qui change de conduite pour avoir la vie’’ » (La Bible de Jérusalem, Ézéchiel, 33, 11). C’est donc en ces termes qu’on peut résumer le non-dit des Togolais à votre endroit. Ils ne prennent aucun plaisir à vous voir mourir ; ils ne veulent pas votre mort. Tout leur vœu est que vous viviez longtemps pour répondre du mal que vous leur avez fait. Faure, vous ne mourrez pas comme votre père sans répondre devant la justice de tous ces crimes que vous avez commis.
Aujourd’hui, vous vous pavanez, vous allez où vous voulez, prenez plaisir aux pérégrinations avec notre argent. Vous n’avez pas de compte à rendre aux Togolais. Combien gagnez-vous ? Quel est le budget alloué à votre présidence chaque année ? Les Togolais le sauront quand les poules auront les dents, puisque cela relève tout simplement du secret d’État. C’est ainsi qu’on dirige un pays. Mais un jour viendra, et c’est ça le souhait le plus ardent des Togolais, où vous devez connaître le sort de Nicolae Ceausescu, de Moussa Traoré, de Charles Taylor, d’Hosni Moubarak et de bien d’autres encore.
Bonne santé et longue vie, Faure !
Tchakie Thomas Sékpona-M., Ph.D