Un plébiscite sans surprise puisque le maréchal à la retraite, qui dirigeait de facto le gouvernement intérimaire égyptien mis en place après la destitution, en juillet, de l'islamiste Mohammad Morsi, avait éliminé toute forme d'opposition. En 11 mois, des milliers de personnes ont été arrêtées - 40 000, selon la banque de données Wikithrawa. Parmi eux, de nombreux supporters des Frères Musulmans, désormais désignés comme «terroristes», mais aussi des dissidents de gauche, dont d'importants leaders du Mouvement révolutionnaire du 6 Avril, organisation aujourd'hui interdite.
Un pâle faire-valoir
Sissi ne s'est retrouvé confronté qu'à un unique adversaire, le nassériste aux cheveux grisonnants, Hamdeen Sabahi. Considéré par beaucoup comme un faire-valoir au mieux résigné, au pire consentant, ce dernier a échoué à faire le poids face à un candidat soutenu par l'appareil d'État et par une campagne médiatique tapageuse, à renfort de posters géants et de louanges télévisées. Résultat: dénigré par les pro-Sissi, Hamdeen Sabahi a également déçu une bonne partie de sa base - parmi lesquels de nombreux révolutionnaires de janvier 2011 - au point de ne remporter que 3 % des suffrages, moins que les bulletins nuls, estimés à 3,7 %.
Pressés de célébrer la victoire du «héros» Sissi, les partisans de l'ex-maréchal en uniforme kaki et au nouveau costume bleu ont rejoint le centre-ville dès la publication des premières estimations, mercredi soir. Mais le taux de participation, particulièrement faible durant les deux premiers jours de scrutin, demeure la grande inconnue de cette élection prolongée à la dernière minute d'une journée sur décision de la Commission électorale.
Selon le journal gouvernemental Al Ahram, plus de 25 millions d'électeurs se seraient rendus aux urnes - sur un peu moins de 54 millions d'inscrits - un chiffre non vérifiable et que l'opposition considère fabriqué de toute pièce.
Menaces à la télévision
Pris de panique, les militants pro-Sissi s'étaient agités jusqu'au dernier moment pour convaincre les Égyptiens de voter: menaces professées à la télévision, rumeurs d'amende pour les abstentionnistes. «Bandes de lâches, descendez, quittez vos airs conditionnés», a crachoté pendant des heures le haut parleur d'un pick-up, filmé par un habitant du quartier de Héliopolis, et mis en ligne sur Internet.
Autant d'initiatives qui ont suscité les grincements de dents des observateurs internationaux et des organisations de défense des droits de l'Homme. Les Frères Musulmans, eux, se sont empressés de tirer profit de ce faible engouement. Pour eux, le boycott est une «nouvelle gifle» au pouvoir de Sissi, et signe le «certificat de décès du coup d'État militaire» du 3 juillet.