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Ces chefs d’Etat qui plaident pour la libération conditionnelle du « camarade » Gbagbo

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mardi, 11 avril 2017 16:23

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Written by Le Monde Afrique
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En visite à Paris, le Guinéen Alpha Condé veut évoquer avec François Hollande, au nom de plusieurs présidents africains, le sort de l’Ivoirien détenu à La Haye.

Tout au long de son quinquennat, le président français, François Hollande, a entretenu une relation étroite avec son homologue guinéen, Alpha Condé. Les deux chefs d’Etat ont échangé des SMS très régulièrement, ont discuté de la politique africaine de la France et de l’état des pays d’Afrique francophone, se sont soutenus dans les moments difficiles. En ce milieu du mois d’avril, les drapeaux de la Guinée et de la France flottent à Paris. Alpha Condé est reçu en visite d’Etat les mardi 11 et mercredi 12 avril.

En marge des cérémonies et discours officiels, le président guinéen a une dernière demande à formuler au « camarade » François Hollande. Elle concerne un ancien président ouest-africain, incarcéré depuis novembre 2011 au quartier pénitentiaire de la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye (Pays-Bas), sous l’accusation de crimes contre l’humanité. Il s’agit de l’Ivoirien Laurent Gbagbo, dont le procès, qui s’est ouvert en janvier 2016, pourrait durer au moins quatre ans, en raison notamment des 138 témoins à auditionner. L’idée portée par M. Condé au nom de plusieurs chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest francophone serait d’œuvrer pour une liberté conditionnelle.

Le Guinéen Alpha Condé, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Malien Ibrahim Boubacar Keïta et le Burkinabé Roch Marc Christian Kaboré ont en commun d’avoir lutté contre des pouvoirs autoritaires, d’avoir étudié en France et d’appartenir à l’Internationale socialiste. Déjà, en marge du sommet Afrique-France qui s’est tenu en janvier à Bamako, puis lors de récents passages à Paris, ces quatre chefs d’Etat africains avaient parlé du cas Gbagbo au président français. « Alpha Condé a évoqué cette situation avec moi. Rien de plus. » Dans sa réponse au Monde, M. Hollande se montre concis. « La CPI travaille en toute indépendance », ajoute-t-il.
Contacté, le président guinéen se veut prudent. « On ne peut pas changer la CPI et ma position m’interdit toute ingérence dans des affaires nationales ivoiriennes et dans une procédure en cours devant une juridiction internationale », dit le chef de l’Etat guinéen, qui a été désigné en janvier à la tête de la présidence tournante de l’Union africaine (UA), au sein de laquelle plusieurs Etats militent en faveur d’un retrait de la CPI, à laquelle ils reprochent de ne s’attaquer qu’à des personnalités africaines.
Le précédent Milosevic

La demande du quatuor, transmise de manière orale et destinée à rester confidentielle, se révèle délicate dès lors qu’elle s’attaque au principe de la séparation des pouvoirs. Critiques, en privé, à l’égard de la CPI, ils font valoir l’âge avancé de M. Gbagbo, 72 ans le mois prochain, et une durée du procès qui devrait s’étirer encore sur des années. Dans toutes les mémoires, il y a la mort en prison de Slobodan Milosevic, en 2006 à La Haye, où le président serbe était jugé pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. A cela s’ajoutent des considérations personnelles et historiques.
« Alpha Condé n’a jamais oublié que Laurent Gbagbo s’était mobilisé pour lui lorsque le régime de Lansana Conté l’avait jeté en prison [il avait été arrêté en 1998, jugé en 2000 puis libéré en 2001] », veut croire le professeur de droit franco-sénégalais Albert Bourgi, ami de longue date de ces présidents : « Panafricanistes, socialistes, ils partagent une même fibre politique et restent attachés à la liberté d’un camarade. »

Hors de question d’intervenir politiquement dans ce dossier judiciaire, insiste-t-on à l’Elysée. Le président français n’a que peu de considérations pour M. Gbagbo. Lorsqu’il était premier secrétaire du Parti socialiste (PS), M. Hollande l’avait d’ailleurs qualifié d’« infréquentable » et ne souhaitait plus le voir au sein de l’Internationale socialiste. C’était en 2004, la Côte d’Ivoire était déchirée par la guerre civile et l’aviation de M. Gbagbo (président de 2000 à 2010) venait de bombarder le camp militaire français de Bouaké, tuant neuf soldats.
Déjà onze refus

« Cette demande des chefs d’Etat me semble inappropriée, car cela apparaîtrait comme une immixtion politique », dit Jean-Paul Benoit, avocat d’Alassane Ouattara puis de la Côte d’Ivoire, qu’il défend aux côtés de Jean-Pierre Mignard, ce dernier étant par ailleurs parrain de deux des enfants de M. Hollande. « Il est vrai que les procédures à la CPI sont longues, trop longues. Mais les trois magistrats qui jugent Laurent Gbagbo sont indépendants et n’ont que faire d’une prétendue solidarité socialiste de chefs d’Etat », ajoute l’avocat.
Les juges de la CPI ont déjà refusé à onze reprises les demandes de liberté conditionnelle pour M. Gbagbo – la dernière fois en mars –, et les conseillers juridiques de l’ancien président ivoirien redoutent que ces initiatives politiques soient finalement contre-productives. De fait, les quatre « camarades » de M. Gbagbo n’ont pas pris langue avec l’équipe de son avocat pour organiser leur démarche. Ils ont privilégié une discrète approche politique pour tenter de peser sur la juridiction internationale.

« Cela ne sert à rien de nous approcher ou de tenter d’influer sur la Cour », assure-t-on au bureau de la procureure générale, Fatou Bensouda. Cette dernière a été reçue par le ministre français des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, le 8 mars, dans le cadre du « serment de Paris » en faveur des droits des femmes. « Les dossiers en cours à la CPI ont été évoqués, dont celui de Laurent Gbagbo, comme on le fait régulièrement avec des pays qui coopèrent avec la Cour », assure-t-on dans l’entourage de la Gambienne. Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité réagir.
A Abidjan, la position de la présidence de la République reste inchangée : « Nous ne voyons pas, à ce stade, de raisons qui pourraient justifier une liberté conditionnelle. Nous nous y opposerons », prévient un conseiller du président Alassane Ouattara.
« Je n’attends rien de François Hollande »

Les conseillers de M. Gbagbo continuent d’y croire. S’ils y parviennent, il faudra alors négocier avec la Cour un pays d’accueil et garantir sa présence aux audiences. « Plus ce sera proche de La Haye, plus ce sera rassurant pour la CPI », indique un membre de son entourage, pour qui l’Italie pourrait être une option. Le secrétaire d’Etat italien aux affaires étrangères, Mario Giro, se montre lui aussi gêné. « Cette démarche des chefs d’Etat ne me surprend pas, mais, pour le moment, aucune demande officielle d’accueil n’est parvenue à mon ministère », assure M. Giro, qui s’est récemment rendu à Paris où il s’est entretenu avec des proches de M. Gbagbo.
M. Giro a suivi de près la crise en Côte d’Ivoire, où il avait mené, au mitan des années 2000, une médiation de paix avec la communauté Sant’Egidio. Depuis Rome, les « artisans de la paix » suivent toujours avec attention le dossier Gbagbo. De même que certains membres de The Elders, ce groupe des « aînés » fondé par Nelson Mandela et dirigé par l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan. Eux aussi avaient tenté d’œuvrer à l’apaisement durant la crise post-électorale. Fin 2015, plusieurs anciens chefs d’Etat d’Afrique du Sud, du Ghana, du Mozambique et du Bénin avaient interpellé Mme Bensouda dans une missive appelant à la libération pure et simple de M. Gbagbo pour faciliter la réconciliation en Côte d’ivoire. En vain.

Pour les quatre chefs d’Etat ouest-africains, c’est la dernière demande qu’ils feront à leur « camarade » Hollande, dont le mandat s’achève. Pour la petite histoire, M. Gbagbo avait donné son avis sur le président français dans un ouvrage coécrit derrière les barreaux : « Je n’en ai jamais rien attendu, et je n’en attends rien. »

Le Monde Afrique 


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