La justice sénégalaise a condamné Karim Wade, fils de l'ancien président Abdoulaye Wade, à une peine de six ans d'emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA (209 millions d'euros), anéantissant ses espoirs d'être candidat à la présidentielle de 2017. 

Celui du procès de Karim Wade : « clap de fin ! », s’exclame le quotidien Enquête. « C’est la ligne d’arrivée dans le marathon judiciaire de l’enrichissement illicite, poursuit-il. Karim Wade, et neuf co-accusés, accusés de complicité, vont être fixés sur leur sort ce matin. » La CREI, la Cour de répression de l’enrichissement illicite va en effet rendre son verdict.
 
Il y a 48 heures, le PDS, le Parti démocratique sénégalais, lors de son congrès extraordinaire, désignait le même Karim Wade comme candidat du parti à l’élection présidentielle de 2017. A l’issue du vote, Karim Wade a obtenu 257 voix sur un total de 268 votants.
 
Pour Le Soleil, c’est l’ancien président, Abdoulaye Wade, le père de Karim qui a tiré les ficelles… « On peut se demander pourquoi Me Wade n’a pas attendu le verdict de la CREI qui sera connu aujourd’hui pour ensuite organiser les primaires au sein du PDS. Mais c’est là où se trouve toute la stratégie de l’ancien président, pointe Le Soleil. En anticipant sur une éventuelle condamnation de son fils, il veut d’abord faire pression sur la justice et si l’occurrence qu’il craint se réalise, dire partout, ici et ailleurs, que Karim Wade, un candidat à la présidentielle a été condamné pour l’empêcher de se présenter. Il espère aussi que le pouvoir de Macky Sall, pour éviter que son image ne soit ternie, cherchera à ne pas s’encombrer d’un “prisonnier politique”et interviendra pour faire libérer Karim. C’est ce qui explique, poursuit Le Soleil, la précipitation constatée pour choisir ce dernier comme candidat d’une élection qui aura lieu, au mieux, dans deux ans. […] Me Wade est toujours dans son schéma de dévolution monarchique dont il ne démord pas d’un iota, commente encore Le Soleil. Après avoir échoué de la manière que l’on sait le 23 juin 2011, il revient à l’attaque pour faire investir son fils comme candidat du PDS. »
 
Bien joué ?
 
Pour le quotidien Walfadjri, Wade père a bien joué et le président Sall peut s’en mordre les doigts… « Quel que soit le schéma qui se dessinera au rendu du délibéré de la CREI ce lundi, qu’il soit libéré ou condamné, Karim est désormais en plein dans le jeu politique, dont il est devenu l’un des acteurs essentiels, constate Walfadjri. Il vient d’obtenir du PDS la seule clé qui lui manquait pour se forger une légitimité politique incontestable. Et cela, il le doit à son père. Mais il le doit aussi à Macky Sall, ou plutôt à ses maladresses, affirme le journal. En l’embastillant depuis deux longues années et en le faisant juger par une juridiction d’exception – qui est par essence politique – incapable de produire la moindre preuve matérielle de son enrichissement illicite, il lui a conféré, estime Walfadjri, ce charisme qui lui manquait tant. »
 
Le site d’information Seneplus déplore pour sa part le climat tendu, selon lui, que traverse le pays : « le Sénégal, à la veille du délibéré du procès de Karim Wade, donne l’image d’un bateau qui tangue, avec une cargaison de politiciens qui bafouillent et de juges qui cafouillent dans leur procédure. […] Plusieurs signaux d’alerte rouge attirent l’attention sur les outrances discursives des libéraux et les méthodes répressives de la police et de la justice. Aux diatribes incandescentes et autres manœuvres louches des contempteurs de la Cour de répression et de l’enrichissement illicite, les autorités policières et judiciaires répondent par des interdictions de marches pacifiques, des interpellations, des arrestations et des gardes à vue, illégalement, prolongées. Le ton est donné, les choix semblent être faits, constate encore Seneplus. Wade menace. La gendarmerie, la police et certains juges y vont à fond dans la répression en multipliant les maladresses effarantes. »
 
Retour de bâton ?
 
Beaucoup de commentaires également dans la presse de la sous-région, et pas forcément favorables au camp libéral… « Prisonnier Karim et candidat Wade », s’exclame L’Observateur Paalga à Ouaga. « Cette précipitation à mettre en selle l’héritier de Wade pour le scrutin sonne comme une façon de forcer la main quelque part à la CREI, estime le quotidien burkinabé. Et si c’est le cas, on a bien peur que ça ne revienne en pleine figure au PDS, dans la mesure où la manœuvre pourrait braquer davantage les juges. »
 
Pour Le Pays, toujours au Burkina, « Abdoulaye Wade fait courir à son parti un risque d’implosion. Il n’est pas évident en effet que les cadres du parti continuent, encore pendant longtemps, d’accepter de mettre en berne leurs propres ambitions politiques pour donner une chance à la dynastie Wade. Cette investiture du PDS aura certainement du mal à résister à une peine de prison ferme de Karim Wade. En tout cas, conclut Le Pays, ce serait un suicide politique pour les cadres du PDS d’accepter que, du fait de cette affaire, leur parti soit incapable de faire face avec lucidité et réalisme aux échéances électorales à venir, surtout la présidentielle. […] Et si Wade persiste dans ses manœuvres, la clameur des mécontents risque de monter crescendo et il pourrait, prévient le journal, prendre cette vague de désapprobation en pleine figure. »