Devant la même cour que la veille, avec un nouveau greffier d’audience, Me Théogène Zountchékon, un même public massif tant dans le prétoire qu’en dehors, l’audience de la session spéciale de la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou a repris hier mercredi 11 novembre. Marquée par des passes d’armes entre avocats, et quelques fois entre avocats et ministère public, l’audience a également enregistré la présence des principaux mis en cause de la veille : Lani Bernard Davo, Théophile N’Dah, Grégoire Akoffodji, Mohamed Mouftaou D.Prince Alédji. De même que la main courante et le registre d’écrou du commissariat de Godomey ont été présentés à la cour. Entre-temps, à 8h20, les accusés arrivent sur les lieux. Une arrivée entourée des mêmes mesures sécuritaires que celles indiquées précédemment. L’affaire intéresse tellement que ceux qui ont pu avoir une place dans le prétoire, au moment de la pause déjeuner, n’osent pas sortir, pour éviter que ceux, nombreux, qui se bousculent à la porte malgré les amplificateurs de voix installés, ne s’y engouffrent pour s’installer à leur place… A la fin de la journée, la déposition du témoin Priso s’annonce comme un tournant décisif du procès, en attendant peut-être de nouveaux développements.
D’entrée et avant même que la cour n’introduise les débats, Me Joseph Djogbénou a voulu s’assurer qu’il n’y a eu aucune pression sur les accusés depuis la veille. Puis il se lancera dans une tirade contre ces « chars » et contre les conditions particulières de sécurité qui entourent ce procès. Et demande que M. Prince Alédji soit invité à venir expliquer certaines situations. Tout comme Bernard Lani Davo, Théophile N’Dah ou Jean Aladé dont il dit ne pas savoir si c’est un pseudonyme, devront passer témoigner. Face à ces exigences, le procureur général, Gilles Sodonon, informe que les diligences ont été accomplies dès mardi soir et que les anciens ministres, comme les régisseurs entrant et sortant de Missérété ont été convoqués à l’audience. Quant à M. Prince Alédji, il serait en mission des Nations Unies depuis sa retraite. Me Djogbénou se dit partiellement satisfait car, à son avis, le sieur Prince Alédji est une pièce essentielle au regard des dépositions de la veille. Quand le président essaye de relancer les débats, Me Djogbénou repart à l’assaut des … « chars au palais de justice» pour dénoncer le dispositif sécuritaire mis en place dans le cadre de ce procès. « Ce n’est pas normal que des militaires en armes soient dans le palais de justice, en nombre. Ils peuvent garder les alentours… Je suis désolé, je suis désolé. Notre toge est incompatible avec les armes… », enrage l’avocat de la partie civile. Ses associés Nicolin Assogba, Olga Anassidé et leur stagiaire Brice Houssou embrayent dans le même sens, mettant surtout l’accent sur la nécessité de la comparution du sieur Prince Alédji. Ile ne croient pas qu’il soit vraiment en mission et suggèrent à la cour qu’elle peut, sur la base de l’article 329 du code de procédure pénale, ordonner, au besoin par la force, sa comparution. Félix Dossa rassure et promet que toutes dispositions ont été prises et le seront encore pour que la procédure se mène sereinement.
Me Ayodélé Ahounou, conseil assistant du commandant Enock Laourou, attire l’attention de la cour sur le sort des témoins qui sont restés isolés toute la journée de mardi sans avoir peut-être mangé, et martèle que pendant les débats, lorsque des noms sont énoncés, c’est la cour qui a le pouvoir souverain d’accuser s’il le faut tel ou tel en cas de faits nouveaux. Cela provoque une passe d’armes entre son confrère Djogbénou et lui. Pour autant, Me Zinflou ne résiste pas au besoin de suggérer à la cour, non sans dénoncer le dispositif sécuritaire, compte tenu des témoins convoqués et des déclarations faites, de renvoyer le dossier pour que les témoins soient écoutés ailleurs qu’en audience publique parce que la parole à l’audience est une parole libre sur des faits dont on veut découvrir la vérité. Ce n’est pas l’avis de Me Elie Vlavonou.
« Depuis hier, clame-t-il, les personnes convoquées pour témoigner ont été clouées au pilori. On accorde du crédit aux propos de vils individus pour vilipender d’honnêtes personnes. Nous n’avons aucune inquiétude ni gêne mais respectons les normes. On peut poursuivre le débat sans polémiquer. Ce qui a été dit et entendu hier ne suffit pas pour dire que le procès est fini.» S’ensuit une séquence de tiraillements entre avocats des témoins, ceux de la défense et ceux de la partie civile. Ceux des témoins se disent sereins comme le fait savoir Me Gilbert Atindéhou assurant que les témoins attendent leur tour de parole. Mais qu’on veut continuer d’entretenir la confusion à laquelle certains ont intérêt. Et qui fait qu’on prend déjà les déclarations des accusés comme vérité dans la presse comme sur les réseaux sociaux. Me Djogbénou ne démord pas. Il invite à ne pas s’éloigner des règles essentielles car le procès pénal doit être équitable entre les parties. A son avis, les témoins ne sont entendus que lorsqu’ils sont invités à la barre. Le code de procédure pénale suggère qu’ils puissent être assistés et c’est leur droit. Mais si 24h d’attente sont extraordinairement longues, éprouvantes pour « ces hommes bons », il semble lire chez ses confrères que, pour eux, cinq ans ne le sont pas pour la famille, pour les accusés. Il s’étonne, par ailleurs, que « les assistants de témoins, dont les clients n’ont même pas encore déposé devant la cour, déclarent que les accusés ont menti. Puis il garantit sa collaboration à la cour tant que les règles sont respectées car la famille veut connaître la vérité. Me Théodore Zinflou est sur la même longueur d’onde et renchérit qu’il est préférable que les témoins soient entendus hors audience publique. Etonnement du ministère public. Gilles Sodonon, rappelant à l’occasion que toutes les demandes formulées par la défense ont été satisfaites, enseigne que l’article 332 du code de procédure pénale fait obligation que les témoins soient entendus dans le débat même s’ils n’ont pas déposé à l’instruction. Pendant qu’il parle, M. Prince Alédji fait son entrée dans le prétoire et salue gaiement les uns et les autres. Remous dans la salle. Quelques avocats annoncent leur constitution à sa cause. Puis c’est Grégoire Arsène Akoffodji, ancien garde des Sceaux (2010-2011) qui est à la barre. Il commence littéralement à déposer. Soutient n’avoir vu Alofa pour la première fois que le 26 septembre 2010 dans l’après-midi après avoir été avisé par le parquet, que la commission d’enquête judiciaire est bien avancée puisque tenant le suspect. Il dit n’avoir jamais vu Donatien Amoussou. Le ministère public signale à la cour qu’il devrait être d’abord isolé comme les autres témoins. La défense est d’accord et moque : « Vous voyez que nous sommes parfois d’accord avec le ministère public.» « Sur la procédure », nuance Gilles Sodonon. « Si nous sommes trop d’accord, on va le relever de ses fonctions », moque Me Djogbénou. En tout cas, les avocats des témoins demandent que leurs clients soient entendus publiquement car ils n’ont rien à cacher au public.
Grégoire Akoffodji : « L’honneur a un sens »
Premier témoin à passer à la barre, l’ancien ministre de la Justice, Grégoire Akoffodji, expose que l’affaire est arrivée en Conseil des ministres parce que les syndicalistes s’y accrochaient et qu’elle préoccupait l’opinion. « J’ai demandé au Conseil que cela reste une affaire judiciaire. C’est ainsi qu’une commission d’enquête judiciaire a été mise en place » informe-t-il. Avant d’indiquer comme Alofa la veille, que c’est en tenue de sport qu’il s’est rendu à la brigade de recherche, après avoir eu au téléphone le procureur général et le procureur de la République, qui avaient cherché vainement à le joindre alors qu’il était au sport. « Je me suis porté vers la commission qui m’a informé que des individus sont passés aux aveux. C’est là, à la brigade, que j’ai aperçu le nommé Alofa, puis le lendemain sur les lieux de l’exhumation. Nous n’avons eu aucune conversation… Le rôle du ministère de la Justice a été limité à mettre les moyens à la disposition de la commission d’enquête » précise l’ancien Garde des Sceaux.
Le ministère public n’ayant aucune question à poser, la partie civile y va de gré. Grégoire Akoffodji développe que le gouvernement a fait les diligences pour faciliter les analyses scientifiques aux fins d’expertise. Son souci, dit-il, était de tout mettre en œuvre pour la manifestation de la vérité. Me Djogbénou insinue que les experts étrangers sollicités sont arrivés au Bénin avant l’exhumation du corps de Womey, soit dès le dimanche 26 septembre. Le ministre Akoffodji pique une sainte colère, récuse cette thèse et lui demande d’en fournir la preuve. Me Djogbénou lui souffle que l’ordonnance du juge d’instruction date du 5 octobre 2010, une séance ayant eu lieu à la présidence de la République ce jour-là et qu’en tout cas, les experts étrangers étaient déjà à Cotonou. Puis l’avocat exhibe un document de l’expert allemand, qui établit que le 30 septembre 2010, il était déjà sollicité par le gouvernement béninois. Le prétoire vibre. Quand s’éternisent les tiraillements entre avocats autour du témoin, la défense et la partie civile s’accrochant régulièrement avec son conseil Me Ayodélé Ahounou, le président Félix Dossa leur rappelle qu’il y en a beaucoup d’autres. Les questions pleuvent toujours sur Grégoire Akoffodji, pour savoir notamment pourquoi le gouvernement s’était tant impliqué dans ce dossier au point de poser des actes qui auraient dû relever de l’instruction judiciaire. Parfois, elles sont jugées « tendancieuses » par son conseil, mais le ministre, impassible, répond autant qu’il peut, laissant comprendre qu’à la vue du corps en état de putréfaction, il était déjà convaincu qu’il faudrait des expertises pour confirmer les appréhensions.
Pourquoi avoir alors reçu la famille, lui avoir présenté des condoléances avant de l’inviter à se joindre à la formalité d’exhumation ? Grégoire Akoffodji répond que sur la base des informations reçues, il a pensé de bonne foi qu’on retrouverait sur les lieux, un corps reconnaissable. De même, d’après la relation des faits à lui servie, puisque le coupable auto proclamé disait avoir prélevé des organes du corps (le meurtre étant déjà quelque choses de lourd à porter), le ministre s’est laissé convaincre qu’il était certainement sincère. Son conseil fait observer à la cour que « le témoin est d’une cohérence inouïe ». Ce qui a l’art de déclencher une émeute de rires dans le prétoire. Les escarmouches entre avocats s’intensifient plus tard, et Me Djogbénou, qui croit avoir vu un assesseur manifester son agacement ou sa colère, s’en étonne et désapprouve. Une confrontation entre Alofa et le ministre permet à ce dernier de préciser qu’il n’a jamais assisté à une conversation entre l’accusé et qui que ce soit, ni participé à quelque montage, quelque scénario tendant à faire porter la responsabilité du crime à cet « enfant de 25 ans au moment des faits ». Il affirme avoir bien accompli son travail et que, pour lui, l’honneur a encore un sens. Alofa confirme bien que ce n’est pas le ministre qui lui a fait des promesses, mais les nommés Dègbo et Aladé Jean.
Que dit la main courante de Godomey ?
Suspension de l’audience à 11h55. A la reprise à 12h30, le commissaire de Godomey, Codjo Hadonou, qui y a pris service en novembre 2014, se porte à la barre avec la main courante sollicitée par la défense la veille ainsi qu’avec le registre d’écrou. Le prétoire retient son souffle. La lecture de ces documents révèle qu’il y a bien eu un compte rendu au commissaire en date du 23 août relativement au vol de moto commis par Alofa. Le ministère public fait constater que le juge a bien visé dans le dispositif de l’arrêt de renvoi, la date du 23 août comme étant celle de commission du vol. Chose confortée par les déclarations de l’accusé Alofa lui-même sur interpellation-réponse. Qui déclarait que c’est le 23 août que Polo est allé le voir pour l’opération. Cela ressort plutôt des déclarations sinon qu’on le lui a fait dire, rectifie Me Magloire Yansunnu, rappelant que l’intéressé est un illettré. Me Djogbénou souligne que du point de vue matériel l’acte dressé en forme de procès-verbal n’est pas comparable au registre soumis à la cour et que ce procès-verbal porte bien la date du 16 août. Ce dont, pour s’assurer, Me Zinflou, demande au commissaire si le procès-verbal mentionne bien, à l’entame, la date à laquelle il s’établit. Réponse affirmative.
Autant que lorsqu’il demande à l’officier si le procès-verbal se fait bien sur la base de la main courante. Et au commissaire d’enseigner que « la procédure fait toujours référence à la main courante ». Le ministère public veut intervenir, la défense intervient pour l’en empêcher. Echanges vifs qui, pour le prétoire, sont à l’avantage de l’avocat. Le public savoure. Gilles Sodonon, en sa qualité de « directeur de la police judiciaire » intervient alors pour préciser que techniquement la main courante n’est pas la procédure. Ce dont se saisit Me Djogbénou, qui lit la main courante du 23 août, pour en déduire que ce n’est pas une plainte qui y est retracée, mais qu’il s’agit d’un compte rendu au commissaire, d’une opération menée « suite à un appel prétendu ». Cependant que le procès-verbal de l’officier de police judiciaire, qui fait foi jusqu’à inscription de faux, établit bien qu’à la date du 16 août, Alofa était aux mains de la police. Me Zinflou renchérit que le procès-verbal produit à la suite de diligences judiciaires l’emporte. Davantage, Me Djogbénou fait remarquer que dans le registre d’écrou produit par le commissaire, il est mentionné que le sieur Alofa a été écroué le 22 septembre pour des faits supposés commis le 23 ! Le commissaire évoque « une erreur » possible et précise que la chronologie des heures atteste que c’est le 23 que le nommé Alofa a été écroué. Il sera prié de produire la copie du procès-verbal disponible au commissariat. Ce à quoi il s’engage…
Affabulations, mensonges…
C’est alors que la barre accueille le contrôleur général de police à la retraite, actuellement fonctionnaire aux Nations Unies, Mohamed Mouftaou D. Prince Alédji. Me Yansunnu va lui poser des questions. Il donne le profil à la cour et se tourne vers l’avocat. Joseph Djogbénou lui indique qu’il doit regarder la cour. Une remarque qui ne plaît pas au témoin, qui lui lance : « Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous. Un peu de politesse ». Incident pour l’avocat qui relève que « ça commence » et lui fait observer : « Vous n’êtes pas dans votre commissariat ici ». Suspension. Reprise une heure plus tard. Le contrôleur général de Police, situe que c’est en sa qualité de chef service central de la Police judiciaire de Cotonou au moment des faits, qu’il a été membre de la commission d’enquête et à eu à faire aux accusés. Sur demande de son avocat, Elie Vlavonou, le greffier de l’audience est invité par le président à lui donner lecture de ce qui a été dit de lui la veille. Mais c’est Donatien Amoussou qui va raconter comment, selon lui, l’officier de police a demandé à Alofa de le doigter comme son associé. C’était à la brigade de recherche après une première rencontre à la présidence de la République, dans le bureau du colonel Koumasségbo. Et en présence d’autres personnes, jure-t-il avant d’inviter le sieur Prince Alédji à « avoir le courage de dire la vérité à la cour ». A ce moment, entre dans le prétoire son ami Priso (de son vrai nom Evouna Priso Atangana). Invité à réagir aux propos formulés contre sa personne, M. Prince Alédji se présente comme « un enquêteur professionnel », une « victime du devoir » qui a eu « un parcours exemplaire et qui a dû recourir à la justice pour une reconstitution de sa carrière». Ceci pour dire qu’aller à la présidence de la République ne lui ressemble pas. En tout cas, il dit n’avoir pas le souvenir d’avoir mis pied en ces lieux dans le cadre de ce dossier. « Pour y recevoir des instructions », précise-t-il ensuite. Il a pu arriver, pour les besoins de l’enquête, admet-il, que l’on ait procédé par comparaison pour s’assurer de l’identité de Donatien. Qui, poursuit-il, est « un homme de réseau, un militaire radié, spécialité de vol à main armée, un repris de justice… »
L’officier de police raconte ensuite que d’après ses informations, c’est bien un coup que Donatien et Alofa ont bien préparé, que les recoupements attestent qu’ils étaient bien en connivence, dans le but de déposséder Dangnivo (qui serait un client d’Alofa) de sa voiture. Soit, au total, pour celui qui revendique « 30 années de police, 30 années de police judiciaire » que son travail a été propre. Donatien réagit vivement, soutient n’avoir jamais fait de la prison avant ce dossier Dangnivo, « pas un seul jour », désapprouve-t-il. Et engage-t-il, « si vous consultez les registres et que vous découvrez que j’ai fait un seul jour de prison, considérez alors que tout ce qu’il dit à mon sujet est vrai ». Admirations du public. Sur ce, M. Prince Alédji suggère qu’on demande à Donatien de décliner son parcours dans l’armée. Ce qu’il fait, raconte qu’il a dû partir de lui-même, après avoir dénoncé des gens qui voulaient voler des armes, après avoir vu sa solde coupée et avoir subi des pressions diverses. Il assure qu’à Parakou, il montait la garde avec plusieurs armes et de nombreuses munitions, sans pourtant avoir jamais été mis en cause. Mohamed Mouftaou D. Prince Alédji en déduit malicieusement que « pour un soldat, ce qu’il vient de dire renseigne assez sur qui il est ». Le public désapprouve. Invité à son tour, par Me Magloire Yansunnu, à expliquer comment s’est passée la séance de reconnaissance de Donatien, l’officier affirme que « le temps a fait son œuvre et des montages ont été faits » mais qu’il n’a jamais été question d’aligner des personnes pour demander à Alofa d’identifier Donatien parmi elles. Pourtant Alofa maintient sa version de la veille. Et raconte que le commissaire Prince Alédji, arrivé sur les lieux le lendemain, l’aurait menacé de le lester pour le larguer en mer parce qu’ayant appris qu’il était imperméable aux balles… avant de lui dire plus tard qu’il lui présenterait le nommé Donatien qu’il devrait affirmer connaître. Me Barnabé Gbago relève qu’il a omis certains aspects de son récit de la veille. Alofa valide et précise que ce qu’il venait de raconter concerne M. Prince Alédji et que tous les faits ne se rapportent pas à tous les protagonistes. L’officier, impassible, réitère avoir conduit son opération avec art.
Que c’est Alofa qui a raconté avoir pris de l’argent à Dangnivo pour lui concocté un savon. Que c’est encore lui qui, durant les enquêtes, leur aurait doigté la maison d’une épouse de Dangnivo. Qu’il aurait raconté que le plan initial était d’arracher la voiture de la victime, mais qu’au jour dit il se serait présenté avec une moto. D’où ils auraient réaménagé leur plan en trouvant le moyen de le faire revenir le lendemain. Me Yansunnu relève que l’officier a pu oublier car, même dans la version où Alofa acceptait les faits, Donatien Amoussou n’était nullement présent. Ce témoin, qui s’agace parfois des questions à lui posées, n’a pas la sympathie du public, qui réagit régulièrement à ses réponses, et approuve les questions de Me Zinflou. Témoin qui considère comme affabulations, comme du « précuit » les thèses des accusés tendant à l’incriminer, et assure être venu pour éclairer la lanterne de la cour, après avoir appris que son nom avait été cité.
Priso, un témoin décisif ?
Priso est à la barre. Sa version des faits stipule que son ami nigérian Polo, par qui il a connu Donatien, l’a appelé une nuit autour entre 1h et 2h du matin, pour dire d’aller le voir en urgence. Ayant hésité, il s’est finalement déplacé pour voir l’ami. Qui lui a fait part de son projet de voyage sur le Nigeria et lui a confié un sac contenant des effets. Lequel sac il a déposé chez lui, enfermé dans l’armoire. Trois ou quatre jours après, par curiosité, sa femme a ouvert ce sac pour en scruter le contenu. C’est elle qui y aurait vu des vêtements et un téléphone Zékédé à antenne, ainsi que le livret de bord d’une voiture qu’il dit avoir vu garée à l’hôtel où logeait Polo. Dans la foulée, l’affaire Dangnivo défrayait la chronique et il se rend compte que le livret de bord porte bien le numéro du véhicule qu’il a vu à l’hôtel, mais remarque que le livret était plutôt au nom d’une femme et non d’un homme. Ce qui l’a intrigué. Ayant allumé le portable Zékédé, une dame l’aurait aussitôt appelé puis demandé de lui passer le propriétaire… Entre-temps, le véhicule dans lequel il dit avoir vu le nommé Alofa (qu’il ne connaissait pas alors) de blanc vêtu, avec un chauffeur, a disparu de l’hôtel où il est retourné après. Somme toute, pris de panique après les appels de la femme, puis l’emballement de l’actualité, il dit être allé déposer le portable Zékédé à Océan FM pour en signaler la perte, puis en avoir informé son ami Donatien. C’est lui qui en aurait parlé à son frère, lequel les a conduits à Julien Pierre Akpaki.
Ce dernier, à son tour, les aurait effectivement mis en contact avec d’autres responsables dont le colonel Koumasségbo notamment… Bien plus tard, Priso qui ne se sentait plus en sécurité et avait même dû crécher avec sa famille chez Donatien, dit avoir été invité par le commissariat d’Agla pour identifier un individu qui pourrait être celui qu’il avait aperçu dans la voiture. Il s’agissait d’Alofa qui aurait été rattrapé grâce à sa carte SIM. C’est donc là qu’Alofa, le prenant pour un « chef » de la police ou de la gendarmerie, lui déclare que l’homme a qui appartient la voiture est mort. Ce qu’il aurait répété aux agents, provoquant des pleurs chez eux… Priso, sur les lieux, croit avoir entendu qu’Alofa a cité un ancien militaire. C’est dans la foulée que le nom de Donatien est évoqué. Dès lors, il s’étonne que Donatien ne se rende pas souvent disponible pour répondre aux convocations et s’en ouvre à lui. Celui-ci banalise. Appelé plus tard par le colonel Koumasségbo à aller à la présidence de la République avec Donatien, ce dernier alerte son ami Gildas et son frère Auguste… « Au commissariat d’Agla, il fut un moment où on a présenté un certain nombre de personnes à Alofa. Je n’étais pas dans la salle mais c’est certainement là qu’il aurait identifié Donatien puisque celui-ci ressortira menottes aux mains. » se remémore Priso Le prétoire est plongé dans un silence studieux. Mme Dangnivo, pendant la déposition, suit religieusement et se tient le menton ou porte la main à la bouche. Priso est formel, c’est lui et lui seul qui est allé déposer le téléphone Zékédé à Océan FM et au moment de le retirer, il est parti avec le colonel. Donatien n’était pas de la partie. Chez ce Donatien, Priso assure, sur question du ministère public, n’avoir jamais vu le véhicule retrouvé à l’hôtel. Mais après son arrestation, il dit s’être posé des questions et a déserté sa maison où il le logeait. Depuis lors, ce n’est qu’à l’audience d’hier qu’il le revoit. Le témoin n’omet pas de signaler à la cour que depuis cinq ans, il vit des menaces de mort à n’en plus finir, est obligé de changer de numéro régulièrement, et jure ne pas savoir comment Donatien a pu être mêlé à cette affaire.
Il en était là de ses dépositions quand, à 17h07, le président de la cour de céans, pour des raisons de sécurité de tous, prononce la suspension de l’audience. Au même moment, Me Elie Vlavonou exprimait justement des inquiétudes quant à la sécurité des uns et des autres, l’officier de police Prince Alédji ayant été pris à partie, d’après certaines sources, à sa sortie du prétoire après sa déposition…
L’audience reprend ce matin avec la poursuite de la déposition du témoin Priso ainsi que d’autres qui attendent leur tour.
Wilfried Léandre Houngbédji (Publié dans La Nation du jeudi 12 septembre 2015)