"Nous essayons de sauver ce que nous pouvons de ces documents historiques. Le bâtiment peut s'effondrer d'un moment à l'autre", affirme une jeune femme, Olfa, tout en remplissant un sac.
"Nous allons les remettre aux autorités" avant qu'ils ne soient totalement détruits ou volés, assure pour sa part Momtaz, venu avec d'autres ramasser des lambeaux de papier.
Mais autour d'eux, des adolescents jouent avec des pages éparpillées sur le trottoir ou dans des flaques d'eau.
Certaines personnes emportaient également des documents en catimini, sans dire ce qu'elles comptaient en faire.
Et aux alentours, où les affrontements se poursuivent entre forces de l'ordre et manifestants hostiles au pouvoir militaire, personne ne semble faire grand cas de ces précieux documents réduits en cendres.
De la fumée continuait de se dégager dimanche du bâtiment incendié la veille dans des circonstances encore obscures. L'armée met en cause des cocktails Molotov lancés par les manifestants, mais cette version est contestée.
Les murs extérieurs, noircis autour des fenêtres, sont encore debout, mais la toiture et les planchers se sont effondrés. L'intérieur n'est plus qu'un amoncellement de gravats calcinés d'où émergent des fragments d'étagères ou des morceaux de reliures.
Une inspection technique a montré "que le bâtiment menaçait de s'écrouler complètement", a rapporté l'agence officielle Mena.
L'Institut a été fondé en 1798 lors de l'expédition en Egypte de Napoléon Bonaparte, dans le but de faire progresser la recherche scientifique. Son bâtiment actuel, qui date du début du XXème siècle, abritait quelque 200.000 ouvrages, certains rarissimes, relatifs notamment à l'histoire et à la géographie de l'Egypte.
Parmi ses pièces les plus précieuses, des volumes d'une édition originale de la monumentale Description de l'Egypte, somme des connaissances sur ce pays faite par les savants de l'expédition de Bonaparte, qui auraient été détruits, selon la presse égyptienne.
Le ministère de la Culture a demandé un inventaire des dégâts, quand la situation dans le secteur de Tahrir le permettra.
"Cela me remplit de tristesse et de désarroi. C'est un énorme désastre pour l'Egypte" affirme à l'AFP Raouf el-Reedy, ancien ambassadeur d'Egypte à Washington et membre de l'Institut.
"Cet Institut est un élément de l'histoire partagée entre la France et l'Egypte", ajoute l'archéologue Christian Leblanc, qui en est membre lui aussi.
Le ministre de la Culture Choukri Abdel Hamid a qualifié l'incendie de "catastrophe pour la science", et annoncé la "formation d'un comité de spécialistes de la restauration des livres et des manuscrits quand les conditions de sécurité le permettront".
"Le bâtiment contenait des manuscrits très importants et des livres rares dont il est difficile de trouver l'équivalent dans le monde", a-t-il déclaré, faisant état d'efforts associant "des jeunes de la révolution, le Conseil supérieur de la culture et des restaurateurs pour sauver ce qui peut l'être".
Le ministre des Antiquités, Mohammed Ibrahim, a indiqué dans un communiqué qu'il allait demander aux autorités françaises de contribuer à la restauration du bâtiment.
AFP