. Au total,
trois portefeuilles, dirigés exclusivement par des femmes, sont
concernés. Il s’agit du Ministère de la Justice, de la législation et
des droits de l’homme, de celui du Commerce et de l’industrie et celui
de la Micro-finance. Ainsi, précédemment Ministre de la Justice,
Elise Gbedo cède son fauteuil à Reckya Madougou pour s’installer dans
celui du Commerce gardé précédemment par Sofiath Onifadé Babamoussa,
qui elle, se chargera désormais de la Micro-finance. Ce nouveau
gouvernement a reçu déjà l’avis consultatif du bureau de l’Assemblée
nationale dans la soirée d’hier. Il est à noter que, c’est un jeu de
chaises musicales qui s’est opéré au sein de l’équipe gouvernementale,
entre trois femmes, à quelques heures du départ du Chef de l’Etat
pour Paris.
Camille A. Segnigbindé
Gbèdo d’une fournaise à une chaudière
22 mois sur des braises. C’est en ces termes qu’on pourrait résumer
le passage de Me Marie Elise Gbèdo à la tête du ministère de la
justice. Mais dans sa maison de destination, le ministère du
Commerce, les dossiers sensibles ne manquent pas.
Elle poussera sans doute un ouf de soulagement. Mais ça sera juste
pendant le laps de temps qui va s’écouler entre sa passation de
service au ministère de la Justice, et sa prise de fonction à la tête
de celui de l’Industrie et du Commerce. En mutant Me Marie Elise Gbèdo
de la tête du ministère de la justice, qu’elle a occupé pendant un an
et dix mois, pour le ministère de l’industrie et du Commerce, le
Président Boni Yayi l’a déchargée d’un fardeau. Pour la charger d’un
autre.
Pendant tout le temps qu’a passé Me Marie Elise Gbèdo à la tête de la
maison Justice, sa cohabitation avec les corporations sous sa tutelle
a été caractérisée par des bras de fer. Sa démission a même été
brandie parmi les revendications de grèves. Elle a agacé magistrats et
notaires. La dernière preuve est le boycott de la cérémonie de
présentation de vœux au ministère de la Justice par l’Unamab (Union
nationale des magistrats du Bénin) et le Syntrajab (Syndicat national
des travailleurs de la justice et assimilé du Bénin).
On se rappelle encore cette phrase, «les magistrats sont corrompus»,
qu’elle a sortie en décembre 2011. Des propos qui ont fâché les
magistrats et occasionné, en plus des affectations faits sur fond de «
règlements de compte que les magistrats», une tension entre cette
corporation et Elle.
Ccib, Kpayo, Sonacop
Dans sa nouvelle destination, trois gros dossiers, très sensibles
attendent Me Gbèdo. Il s’agit de la lutte déclaré par le chef de
l’Etat contre l’essence de contrebande, encore appélé «Kpayo», la
santé de la Sonacop (Société nationale de commercialisation des
produits pétroliers) et les élections à la Chambre de commerce et
d’industrie du Bénin (Ccib).
Après plus d’un an de transition, le retour d’une situation normale à
la tête de la Ccib reste toujours un leurre. Les acteurs se mangent le
nez. Et on est dans un fourre-tout juridique avec des dessous
politiques, selon des connaisseurs de la maison consulaire. Prévue
pour trois mois, la transition qui devrait permettre de reformer
l’institution à travers le toilettage de ses textes, dure et perdure
encore. Les nouveaux textes établis par l’équipe de transition de
Zocli sont controversés. Il est de même pour le processus électoral.
Me Gbèdo a donc la lourde mission de traiter cet épineux dossier.
Tout comme la lutte contre le kpayo. Déclarée par le président Boni
Yayi il y a quelques mois, la guerre contre le Kpayo s’est
actuellement soldée par un échec cuisant du Gouvernement. Dommage.
Ministre de l’industrie et du commerce, Me Gbèdo devra trouver la
magie pour convaincre et décourager les plus de 50 mille béninois
(grossistes et détaillants) qui se nourrissent directement de ce
commerce. Pourvu qu’elle n’y laisse pas son porte feuille, quant on
connait les dessous de la traque anti-kpayo.
La Sonacop n’est pas en bonne santé actuellement. Récemment, l’Etat a
encore injecté des milliards pour permettre à la société de survivre.
C’est l’autre patate chaude pour Gbèdo. Rappelons que sous la
présidence de Mathieu kérékou, Marie Elise Gbèdo avait dejà occupé ce
poste de ministre de l’Industrie et du Commerce. C’est d’ailleurs à ce
moment qu’a éclaté le scandale de «la vente de la Sonacop» avec
l’argent de la Sonacop. Et me Gbèdo était, avec le Grand argentier de
l’époque, Abdoulaye Bio Tchané, une des protagonistes de la vente de
la Sonacop a Séphou Fagbohoun.
Réckya Madougou: de «sa micro finance» à un panier à crabes
C’est fini. Reckya Madougou perd, avec le remaniement technique
d’hier, son titre de «madame micro finance» du régime Yayi. Elle
quitte enfin «son élément» est-on tenté de dire. Depuis hier donc,
Reckya Madougou Yedo est désormais la Garde des Sceaux, ministre de la
justice, du Gouvernement. Là bas, le ministère de la micro-finance, de
l’Emploi des Jeunes et des Femmes, d’où elle vient, Reckya Madougou
Yedo a passé environ cinq ans à «donner les microcrédits aux plus
pauvres», à assurer aux jeunes ce «fond national pour l’emploi des
jeunes», entre autres. Venue à ce poste en 2008, Reckya Madougou le
quitte en 2013. Entre temps, les dieux de la micro-finance, de
l’emploi des jeunes et des femmes, et du microcrédit aux plus pauvres,
lui ont donné leur bénédiction pour qu’elle entre officiellement et
religieusement dans une union pour le meilleur et pour le pire avec
son prince charmant; un informaticien venu du Dohomé. Du changement à
la Refondation, plusieurs vents de remaniement ont soufflé sans
pouvoir l’emporter. On retiendra de son passage à la tête de ce
département, l’accréditation ISO 9001 version 2008, accordée au Fond
national de la micro-finance (Fnm).
Le ministère de la Justice où la ministre Madougou vient d’être mutée,
est l’un des plus sensibles du Gouvernement. Surtout à un moment où
de gros dossiers de poursuites d’anciens ministres devant la haute
Cour de justice sont agités. Sans compter avec les dossiers des
magistrats et notaires suscités par Me Gbèdo et qui ont suffisamment
fâché les corporations sous-tutelle de ce ministère. Le ministère de
la micro-finance semblait calme sous elle. Ce qui est le contraire
pour celui de la justice qu’elle rejoint. Pourvu qu’elle ne se grille
pas les ailes. Car là bas, à la Justice, magistrats, avocats,
notaires, huissiers, et les auxiliaires de l’administration judiciaire
sont des «durs à cuire». Réckya Madougou Yèdo est aussi la nouvelle
porte-parole du Gouvernement. Très éloquente, elle a sans doute les
aptitudes requises pour assurer cette fonction. Mais, "porter la
parole" pour un Gouvernement qui ne connait que des scandales et des
dossiers fumants, ce ne sera pas la joie pour Madame la Ministre.
Sofiath Onifadé, une ministre nomade
En dix mois et vingt six jours qu’elle vient de passer au Gouvernement
à la date de ce 05 février où intervient un autre remaniement
technique qui la touche, Sofiath Onifadé a connu trois ministères.
Entré donc dans l’équipe Gouvernementale par le ministère de
l’Energie, cette ancienne Directrice du Centre des Œuvres
universitaires et sociales (Cous) de l’Université d’Abomey-Cala (Uac)
a connu le ministère de l’Industrie et du Commerce avant d’être mutée
à celui de la Micro-finance, de l’Emploi des jeunes et des femmes, à
la faveur du remaniement technique d’hier.
Sofiath Onifadé a fait son entrée au Gouvernement à la faveur du
remaniement technique du 10 avril 2012. Un remaniement qui avait
entrainé le départ de Adidjatou Mathys, ministre des Finances, et
l’entrée donc de Jonas Gbian et Sofiath Onifadé. Le Premier, ancien
cadre de la Beceao, et ancien Conseiller spécial aux affaires
macro-économiques du chef de l’Etat avait quitté son porte feuille de
l’Energie pour regagner celui des Finances. Et elle, Sofiath Onifadé,
biochimiste-environnementaliste a été parachutée de la direction du
Cous qu’elle occupait depuis le 19 janvier 2009 pour le ministère de
l’Energie.
Le 12 octobre, le Président Boni Yayi procède à un autre réaménagement
technique de son équipe. Et le nom de la ministre Onifadé a encore
circulé. Les premières informations l’avaient annoncé à la tête du
ministère de la Microfinance. Mais finalement, elle a été mutée à
l’Industrie et au Commerce, en remplacement de Madina Séfou qui était
appelé à d’autres fonctions selon des sources concordantes. Et
Seulement un trimestre après, Sofiath change encore de ministère pour
se retrouver à la Micro finance. A la tête de l’Energie, elle a passé
six mois. Au Commerce, son règne n’aura duré qu’un trimestre. Dans les
deux cas, à la tête des ministères, elle passe à peine le temps
nécessaire pour prendre connaissance et s’approprier les grands
dossiers et s’installer véritablement. Et depuis, l’on peine à savoir
ce dont elle est vraiment capable. Le Président Boni Yayi avait
annoncé à Addis-Abeba l’octroi de 50% des portefeuilles aux femmes
dans son prochain Gouvernement. Et ce remaniement est loin d’être
celui à la faveur duquel, il tiendra sa promesse. Dans ce Gouvernement
de 50% de femmes, on se demande quelle sera la prochaine destination
de Sofiath Onifadé Babamoussa, la ministre nomade.