Un vent d’une autre époque héroïque souffle désormais sur la terre de nos aïeuls, le Burkina Faso. Il nous est donné de constater une vague intermittente de protestations menées sous la houlette de l’opposition politique depuis l’annonce de la mise en place d’un Senat. Cette posture de l’opposition témoigne de son refus de cautionner de quelque manière que ce soit un subterfuge du Président Blaise Compaoré d’attenter une fois de plus à l’intégrité de l’article 37 de la constitution.

Du reste, la patrie de ceux dont le courage et la vaillance ne sont plus à démonter, s’est échinée à trimbaler pendant plus de 27 ans, la démesure et l’extravagance du pouvoir de la IVe république. Pour ma part, ces 27 ans sont le concentré des sacrifices endurés par une jeunesse dont les chances et les ambitions ont été immolées sur l’autel des desseins familiaux et claniques. Le cas isolé de cette jeunesse désabusée n’est que illustrative d’une situation de paupérisation généralisée.

Pendant 27 ans, nous nous morfondions à la jouissance d’une vie saine et égalitaire. Mais pendant cette période, le pouvoir aux méthodes assassines de la Ive république nous a toujours servi la coupe des malversations économiques et financières de tout genre ainsi que celle des crimes crapuleux qui soient imaginables par l’esprit humain (cela n’est plus à démontrer). Certes, il y a eu des avancées (mais grâce aux marches et protestations) pendant ce long règne, mais qui pendant 27 ans ne se justifient pas. La proportionnalité de cette durée par rapport aux différents projets et programmes réalisés ou en court de réalisation, me laissent circonspect.

Au demeurant, je voudrais à mon corps défendant, appuyer les propos des uns et des autres par ma petite théorie que je me suis forgé au gré des rebondissements sur la question de l’alternance au Burkina Faso. Cette théorie peut paraître surréaliste ou du moins utopique dans le camp de ceux qui prônent le machiavélisme.

D’abord, partons du postulat divin et pourquoi pas humain qu’un homme vaut un autre homme, abstraction faite des artifices humains et matériels ; un burkinabè vaut aussi un autre burkinabè mais ici quelle que soit son appartenance ethnique, religieuse ainsi que sa classe sociale et son rang dans la préséance hiérarchique de l’Etat. Illustrons : un enseignant est égal à un cultivateur, celui-ci étant naturellement l’égal du ministre, qui à son tour se mesure équitablement au président de la république. De là, nous le sommes tous au nom de notre commune appartenance à la nationalité et à l’histoire du Burkina Faso.

Deuxièmement, si un homme vaut un autre par la nationalité, chacun d’eux doit pouvoir prétendre aux privilèges et honneurs issus de cette appartenance nationale. Autant Blaise Compaoré peut être président, autant un autre homme peut l’être (occultons les voies pour accéder à ce statut). Donc, chaque homme burkinabè est tout aussi présidentiable, que le Président Blaise Compaoré pour autant qu’il ne soit pas jugé indigne par l’opinion nationale.

Troisièmement, dans l’hypothèse où l’homme se mesure à l’aune d’un autre homme, un second postulat est déductible du premier en ce sens que l’homme est aussi la mesure de toute chose (Protagoras). Restons dans le sérail des démocrates et loyalistes ! Ce qui explique que notre contrat social, creuset des lois institutionnelles et des valeurs fondamentales, trouve son fondement dans les tréfonds de notre « burkindi ». Ainsi tout burkinabè doit se faire l’instrument de mesure des valeurs démocratiques issues du consensus national. Si nous admettons que la justice, la liberté, l’égalité, l’alternance au sommet du pouvoir d’Etat sont chacune des valeurs qui s’apprécient à l’échelle de notre humanité, Blaise Compaoré en tant que homme devrait à priori incarner chacune d’elle.

Après analyse, nous nous rendons compte que celles-ci sont de loin un souci pour cet homme. Conséquences : marches, grèves et autre expressions de refus et de mécontentement.

Enfin, selon une vision évolutionniste, en chaque chose sont inscrits les germes de sa propre perte. Comme les choses périssables, les hommes sont mortels du seul fait qu’ils sont vivants et viables. Le pouvoir d’Etat, géré par un individu connait ses années de gloires et celles de déchéance. Partant, aussi curieux que cela puisse paraître, le Président Blaise Compaoré se réclame de la démocratie et du constitutionalisme mais tout en étant réfractaire à l’idée d’alternance et de changement. Quel paradoxe ! En tout état de cause, nous sommes portés à bon droit d’affirmer que la chute du Président Compaoré résultera de cette contradiction impardonnable.

TENKODOGO Adama,
Professeur de français au Lycée Départemental de Barsalogho