Depuis quelque temps, des exactions sont commises par les forces de l’ordre sur la population togolaise déjà aux abois financièrement, au motif qu’elle s’adonne au commerce du carburant non filtré communément appelé « boudè ». Mais non encore satisfaites du harcèlement auquel elles soumettent le peuple, les forces dites de l’ordre ont franchi le rubicond en violant la frontière entre le Togo et le Ghana pour terroriser les riverains et tirer des coups de feu sur la population ghanéenne. Rencontre avec les victimes de cette énième bavure.

Dans notre parution N°1331 du jeudi 8 novembre 2012, nous rapportions un incident qui se serait produit à la frontière avec le Ghana à Adidogomé et dont les forces dites de l’ordre se seraient rendues coupables. Et pour édifier les populations et savoir ce qui s’est réellement passé, nous avons été au Ghana pour rechercher les blessés dont nous avons parlé dans le numéro. Nos recherches nous ont conduits à Ketu South District Hospital à Aflao où nous avons pu les rencontrer. Mais nous sommes tombés par chance sur le chef du village où la bavure a été commise. C’est ainsi que Togbui Amla nous a confié qu’il était le jour du drame en compagnie de Togbui Sémékonawo, chef du village d’Aflao Sagbado quand les forces de l’ordre ont commis la bourde. Et selon ses explications, c’est en poursuivant des convoyeurs de carburant dit frelaté que les soldats togolais se sont aventurés sur le territoire ghanéen jusqu’à tirer sur la population.

Agblevon Papa et Agblevon Sunday sont deux jeunes Ghanéens qui se battent dans la vie en s’adonnant à la conduite de taxi moto à Aflao, la région riveraine du Ghana avec le Togo. Ce jour, ils étaient de repos. « Originaire d’Avehibomé au Ghana, nous étions à la maison ce lundi 5 novembre aux environs de 17 heures quand des forces de l’ordre à bord de pick-up en provenance du Togo, sont venues se garer devant notre maison. Nous étions à l’intérieur de la maison quand les cris de la foule nous ont alertés, mon frère et moi. Naturellement en bons patriotes ghanéens, nous sommes sortis pour aller aux nouvelles, car nous avons trouvé impossible que des soldats togolais franchissent la frontière avec leurs véhicules et arrivent jusqu’à nous. Ensemble avec les autres jeunes, nous avons bloqué leur progression à l’aide de troncs de cocotier qui étaient à portée de mains. Ils ont voulu faire marche arrière et nous avons agi de la même manière avec l’arrière des véhicules. Nous avons estimé qu’ils devaient s’expliquer sur cet incident que nous avons trouvé grave puisqu’ils ont franchi la frontière au niveau d’un passage où il n’y a pas de gardes ghanéens. Et soudain, nous avons entendu des coups de feu. Nous n’avons pas réalisé que c’est sur nous qui ne sommes pas armés qu’ils venaient de tirer. J’ai reçu une balle un peu au-dessus du genou gauche et mon frère a vu sa cuisse droite transpercée de part en part par une balle. Heureusement pour lui que la balle n’a pas fracturé l’os du fémur. Alors ils en ont profité pour manœuvrer et repartir comme ils sont venus », confie le premier.

altLe second grièvement blessé n’a pu parler. Nous avons juste pu assister à ses râles et cris de douleurs, parce c’était l’heure des pansements ; malgré qu’il soit dans la force de l’âge, il gémissait comme un enfant. Une chose compréhensible puisque la balle a traversé la cuisse pour ressortir par le derrière.

Interrogés sur les motifs qui auraient pu pousser les soldats togolais à violer l’intégrité du territoire ghanéen, les deux blessés disent en ignorer les raisons. Mais nous sommes retournés auprès de Togbui Amla, chef du village de Dadedjikope Anoemu pour d’amples explications. A l’en croire, les soldats poursuivraient des convoyeurs de carburant dit frelaté, et c’est dans leur course aveugle et leur désir d’en découdre avec ces jeunes qui ont eu l’audace de faire entrer sur le territoire togolais du carburant bon marché et qui concurrence les stations d’essence, qu’ils ont sciemment violé l’intégrité d’un autre pays et tiré sur des populations non armées.

Quelle a été la réaction des autorités togolaises ? Les blessés ont reconnu que l’Ambassadeur du Togo au Ghana a fait le déplacement pour leur rendre visite. Et ensuite ? Pour ceux qui se demandent à combien se vend le litre d’essence au Ghana et qui attise tant la convoitise des populations togolaises, sachez qu’il l’est à 460 FCFA, soit une réduction de 135 FCFA par rapport au Togo.