Décidément, la vocation républicaine du Togo aime à se confirmer en avril. Comme en Afrique du Sud, le destin éminemment théâtral et même dramatique offre sa baguette verbale aux citoyens, dans un scrutin électoral à la fois unique et historique, pour changer leur pays. Une fois encore au Togo, comme en Afrique du Sud, s’abstenir de voter ou boycotter les élections présidentielles, c’est profaner le passé avec toutes ses victimes et carrément maudire l’avenir de la jeunesse. C’est aussi, inévitablement, insulter une République présentement en totale perdition éthique qui reste à reconquérir au moyen du courage, de la détermination et de l’évitement des nombreux pièges posés depuis tant d’années pour retarder la démocratie au Togo.
Dans des situations normales, les citoyens peuvent se permettre d’être des abstentionnistes, des sous-entendus, des absences mêmes pour exprimer un quelconque mécontentement. Au Togo, le mécontentement n’est pas quelconque; il est conséquent d’un désaveu total, un ras-le-bol d’un système qui régente un pays envers et contre tout; un système qui ne sait jamais entendre raison ni à travers les négociations, ni à travers les élections, ni à travers le droit international encore moins à travers son propre discernement; un système absurde qui refuse même à un député de quitter la capitale pour regagner sa région électorale ou mettre en détention illégale tout citoyen autant que ses propres serviteurs les plus zélés; même que le système s’en prend au simple tirage au sort qui détermine l’ordre d’apparition sur un bulletin de vote… C’est tout dire!
Dès lors et devant toutes ces anomalies répulsives qui sont plus que de simples agacements, au Togo, les citoyens font partie de l’Histoire et, à chaque occasion offerte à leur âme et conscience, ces Togolaises et Togolais doivent faire et refaire l’Histoire. Ils doivent à chaque offre électorale réitérer leur demande en réaffirmant, obstinément, leur désir inébranlable de changement de régime, rejetant pleinement et clairement la domination à eux imposée depuis cinquante ans. Réitérer leur refus global du système, lutter pied à pied sur tous les fronts afin d’enlever toute confusion, quand bien même leur expression et volonté seront travesties, quand bien même ils viendraient à être spoliés de la victoire ou encore se faire réprimer en plein jour pour être allés au-devant de leurs revendications.
Chant de cygne pour vie d’emprunt et gloire éphémère
Cette troublante et dramatique déception que le Togo vit depuis des dizaines d’années vient d’y prendre la physionomie d’une grande méprise. Tout ressemble au passé et tout confirme cette réalité désespérante qui n’échappe plus à personne. UNIR, le tout nouveau parti présidentiel, ne cesse de ressembler parfaitement au RPT, l’ancien parti unique, et elle se montre outrageusement digne de l’appellation RPT-UNIR qui lui est affublée malgré son déguisement. Un coup fatal exemplaire a été ainsi porté à l’innocence des Togolais dernièrement : la Convention nationale du parti UNIR ayant désigné Faure Gnassingbé pour un troisième mandat fut l’illustration d’une de ces messes rétrogrades de « Showtime » digne d’une époque hallucinante que chacun pensait révolue au Togo. Bis repetita! Pour être devenu Dieu si rapidement en dix ans, sans aucun remplaçant possible dans le même parti politique, pourquoi donc ne pas l’être pour toute la terre et pas seulement pour le Togo?
Désormais, tout ressemble au passé dans le Togo Faure. C’est à croire qu’en confisquant le pouvoir, toute une élite politique, trop partisane et anormalement misanthrope, s’est enfermée dans un autre monde d’orgie perpétuelle; elle a ainsi oublié d’évoluer ou de seulement regarder la mutation du monde autour d’elle. Rien n’est prêt à changer; tout est redevenu déconcertant, archaïque et incapable de se convaincre d’un avenir qui soit différent du passé. Tellement, le spectacle offert de l’intérieur comme de l’extérieur de ce Congrès sonnait comme un chant de cygne entonné du haut d’une grande inconscience, pour une vie d’emprunt et une gloire artificielle. S’imposer par tous les moyens reste, réellement, le propre de ce régime quinquagénaire assis sur des résultats forgés d’avance et parachutés sans possibilités d’être associés à chacun des bureaux de vote. Avec un fichier électoral toujours gonflé à bloc, les élections au Togo ne sauront passer aucun test de transparence et de fiabilité dans tout pays respectable, même africain.
C’est probablement là, une des raisons pour laquelle certains ont pu voir dans ces élections présidentielles togolaises, une inutile randonnée, un vain exercice; le pouvoir togolais ne pouvant jamais se déclarer vaincu, et de bonne grâce céder la gouverne du pays. En ce mois de campagne électorale qui ne met nullement fin aux revendications politiques, il est opportun de rappeler que les élections présidentielles au Togo, même truquées, méritent la participation ostentatoire du Peuple. Retrait ou boycott, rien que des rêveries de nul effet sur la nature intrinsèque du régime togolais. Et tout le monde le sait! Le Togo a besoin de la Liberté pour s’épanouir, et les citoyens ne peuvent pas ne pas redire, constamment, leur soif du changement. Rater une seule occasion de laisser s’exprimer le Peuple togolais absoudrait ce régime récalcitrant et lui donnerait la communion sans confession : une flatterie de trop, une flatterie pour rien!
C’est pourquoi et fondamentalement, ces élections portent à la fois sur certains de nos rêves collectifs, de nos aspirations légitimes et de nos espérances profondes pour le Togo, dont l’alternance pour la démocratie ainsi que la réconciliation pour le développement. Mais aussi et surtout, ces élections présidentielles de 2015 portent sur certaines de nos appréhensions et de nos craintes d’une banalisation du statuquo contre lequel toute la population serait devenue impuissante, et même encouragée ou conditionnée à baisser les bras, trahissant toutes ses revendications historiques. Les démocrates togolais ne peuvent se permettre une erreur fatale si visible et si coûteuse. C’est connu : la désunion affaiblit, la démission tue tout espoir de changement politique. Malgré nous, acceptons la désunion dans la lutte, mais pas la démission, même passagère, devant un inacceptable qui s’éternise au Togo et ne sait pas s’arrêter de lui-même.
Si le pouvoir présidentiel togolais pouvait ne pas organiser des élections, il s’y résoudrait prestement et s’en porterait mieux que par ces temps cauchemardesques d’incertitude et de tension à gérer. Devant l’évidence du désaveu, il en existe même qui promettent des résultats fabriqués encore plus lugubres et nocifs que ceux du passé. Tout un projet de société qui finit par alerter certains États amis du Togo autant que des institutions internationales. Ne pas participer aux élections présidentielles et seulement vouloir faire ressortir les filouteries électorales du système relève donc des raisons stratégiquement subalternes dans le contexte togolais, et cela revient à légitimer la non-démocratie en action et en quête de recommencement perpétuel.
Il est bien entendu qu’au Togo, Faure Gnassingbé n’a jamais été élu démocratiquement et ne le serait pas plus dans les présentes élections présidentielles, sauf si la majorité des citoyens n’avait de choix crédible à l’échelle nationale, ce qui n’est pas le cas; sauf si toutes les raisons subalternes et les égoïsmes traditionnels refleurissaient sans aucun égard à la population togolaise, ce que personne n’ose plus croire au Togo. L’épiphanie de la raison peut aussi atteindre les Togolais, en lieu et place des éternelles querelles et togolaiseries.
Fini le replâtrage, place à l’Éthique de l’alternance… Et demain le Togo!
En réalité, ce qui fait conserver et grandir la force de toute lutte c’est la conviction que seul le combat acharné libère la voie à la réussite. C’est le combat qui éclaire le chemin des résultats, réorganise sans cesse la disparité des acteurs dans leur différent rôle, redonne même la vie et la voix aux boycotteurs et aux retraités des élections présidentielles comme c’est le cas actuellement au Togo. Au Togo, il n’y a véritablement plus de la place au hasard politique. Et s’il existe une loi du hasard politique, cette loi ne peut que prévoir de la place à l’action permanente. Ceci arrive précisément parce que, rêvant le changement depuis des décennies, personne ne veut voir en spectateur l’Histoire se faire sous son nez.
De toute évidence, l’inaction à travers les incessants appels au boycott et au retrait pour provoquer un prétendu changement politique qui viendrait de la condescendance ou de la clairvoyance du pouvoir présidentiel togolais n’est même plus envisageable. Une telle improvisation du petit-bonheur-la-chance enfourchée davantage pour régler d’éternels comptes politiques, a vécu au Togo; elle y est morte et enterrée. Ainsi doit renaître l’amour du combat permanent contre tous les excès de victoire issus de la fraude électorale organisée avec la complicité des consultants et des sociétés à but lucratif des élections en Afrique. Ces compagnies-dragons qui crachent le feu du chaos permanent, lequel renouvelle les occasions pour toutes les brusques embardées ainsi que pour toutes ces alliances postélectorales qui toujours prennent le contrepied de la raison.
Avouons! Le Togo est toujours cerné par le danger : une souricière dans laquelle les citoyens sont promis à tout, sauf à l’inaction. L’Histoire, cette barricade qui ne les protège, destine même les Togolaises et les Togolais à se porter constamment et sans relâche au-devant de leur destin de Liberté; cette fois-ci avec une intelligence héroïque, meilleure et utile, dans un monde en perpétuelle mutation, et à la lecture constante de toutes les absurdités politiques ambiantes. Au Togo on ne désespère pas du changement; on n’abdique pas de la Liberté : la Liberté ne fatigue pas les Peuples!
Le choix courageux et stratégique du CAP2015, le Combat pour l’Alternance Politique en 2015, pour la participation de groupe aux élections présidentielles, ce choix fait de ceux et celles qui sont aux premières loges de cette lutte pour l’alternance, des êtres convaincus auxquels il faut prêcher par tous les supports financiers et matériels, davantage que par les critiques, les nuisances et toutes les parodies irraisonnées confondant le Togo à un pays normal dont les dirigeants seraient sensibles et coupables de la faible participation de leurs concitoyens aux élections. Une autre chimère, reportant par soubresauts déclamatoires intempestifs et parfois même d’obédience révolutionnaire, la lutte pour la dignité seulement après les élections présidentielles… Il faut le faire! Et il faut vraiment méconnaître cette « Terre de nos Aïeux » et ceux qui y trônent si longtemps!
Contrairement à « L’intestin de Léviathan », les citoyens togolais qui sont tombés dans le sublime du combat pour une alternance pacifique au Togo, le combat constant pour la Liberté et la dignité, toutes ces personnes sont dans cette souricière et s’y retrouvent de leur plein gré, poussées par le devoir d’une solidarité républicaine qui ne tient rien du hasard, renseignées par tant d’années de refus d’une République équitable pour tout le monde, même à travers tout Accord négocié, particulier ou global. Tant et si bien que toutes ces personnes ainsi que tous les ayants cause savent désormais que l’heure n’est plus aux éternelles pirouettes saisonnières : désormais « il ne faut rien flatter, pas même un grand peuple », et pas plus qu’un jeune dirigeant incapable de relever son pays et d’en changer le destin après tous les dégâts de son propre père. Plus aucun plâtrage ni raccommodage n’est possible au Togo : « déroute des illusions et des mirages, plus rien que ce qui est, faisant la sinistre figure de ce qui finit. Réalité et disparition »; c’est bien ce que doit désormais constater, moindrement, tout démocrate togolais qui se respecte.
L’heure est véritablement à l’Éthique républicaine, à la volonté de recréer le Togo sur une autre base, aux cris d’espoir : « Et enfin le Togo », « Et demain le Togo », etc. Et, tout notre soutien doit aller à ces concitoyens qui acceptent de combattre l’indignité par tous les temps, beau temps comme mauvais temps politiques. Aux autres, courageusement, laisser disparaître le compagnon encore vigoureux et fidèle d’une certaine classe politique: l’égoïsme de la division maladive et de la naïveté cyclique. Se départir de cet égoïsme récurrent pour mieux se consacrer à l’essentiel : lutter obstinément et efficacement pour un autre Togo, lutter sainement et honorablement pour faire basculer le Togo dans l’alternance démocratique, avant d’en réclamer les fruits. L’alternance politique est une visée universelle : jamais, les citoyens ne se donnent les mêmes dirigeants politiques indéfiniment pour la gouverne de leur cité; et encore plus aujourd’hui qu’hier. Demandez aux Burkinabès et aux Nigérians. Deux pays, deux modèles; un seul et même résultat : le changement pour l’espérance du mieux-être politique… Un choix simplement humain! Les Togolaises et les Togolais le méritent aussi.
Que la démocratie triomphe au Togo! Que notre combat pour l’alternance politique devienne bientôt le combat pour la réconciliation, le Grand Pardon et le développement du Togo!
Pierre S. Adjété
● 1er avril 2015 ●
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Que l’alternance Politique soit au Togo! Featured
Written by Pierre S. AdjétéLa complexité même du cas togolais fait que, dans tous les rendez-vous électoraux, le qualitatif voulu se confond toujours avec le quantitatif détourné. L’intensité de ces moments fait ainsi que chaque vote en vient à exprimer et à communiquer le drame du présent, et surtout la volonté inébranlable de s’en affranchir définitivement. Comme en avril 1958, avril 2015 n’échappe pas à cette loi : la liberté n’abdique pas au Togo, particulièrement face à toutes les tentatives de détournement de la volonté populaire, du fichier électoral délibérément corrompu au mode de proclamation des résultats toujours opaque, en passant par les assauts répétés des adeptes du boycott et du retrait. Malgré tout cela, et après la déroute de toutes les promesses de réformes devant mener à la transparence acceptable à tous, plus aucune improvisation politique n’est acceptable au Togo. Vivement, l’alternance réconciliatrice!
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