Un dialogue bien accueilli
« C’est le mal que l’on puisse leur souhaiter, car aucun des protagonistes n’a intérêt à voir perpétuer la situation délétère et conflictuelle actuelle. Ni même les populations, qui en pâtissent d’ailleurs assez », glose un acteur politique. « Je m’en félicite, car ce serait la voie de la raison retrouvée. Les deux camps se sont heurtés plusieurs mois durant après le scrutin, mais ils sont condamnés à s’asseoir autour d’une même table. Il arrive même que des belligérants se retrouvent pour discuter après s’être affrontés des mois ou des années durant. Le cas de la Côte d’Ivoire est assez illustratif. Pourvu que Fabre et Faure parviennent à un compromis. Cela aurait le mérite de remettre le pays sur les rails », pense un étudiant. Un confrère lui, se refuse de s’extasier et reste méfiant. « Les acteurs politiques togolais nous ont toujours habitués à cette farce. Les pourparlers sont lancés par le pouvoir juste pour embobiner l’opposition et la communauté internationale ; cela n’aboutit pas à grand-chose… Je suis un Saint Thomas, et je veux voir avant de croire », crache-t-il.
Panique à bord
C’est manifeste que l’initiative est fort appréciée au sein de l’opinion. Mais ce ne sont pas tous les Togolais qu’elle va contenter. Si le citoyen lambda s’en félicite, ce ne devrait pas être le cas de Gilchrist Olympio et ses lèche-bottes. Ici sincèrement on devrait souhaiter l’échec de ces probables discussions pour continuer la lune de miel avec le pouvoir de Faure Gnassingbé. Car c’est sur les ruines des heurts entre les deux challengers de la dernière élection présidentielle que s’est bâtie l’idylle entre l’ « Opposant historique » et le « Leader nouveau ». De l’opportunisme en somme. Une éventuelle paix entre Fabre et Faure scellerait la fin de l’amourette entre les deux princes ; et la grande conséquence serait que le « Maréchal » ne serait plus utile. Lui et ses courtisans retomberaient dans l’anonymat et la galère, opérant un retour à la « Kakou Ananzè », du nom de ce personnage de conte qui s’est retrouvé dans sa misère originelle après un court séjour dans le monde de l’abondance. Ceux qui ont aussi à perdre dans le cas d’une entente entre Fabre et Faure, ce sont les extrémistes du pouvoir qui marchandent l’atmosphère conflictuelle actuelle.
Comme pour démontrer la panique dans les rangs des AGO, leurs griots entrent déjà en scène et font preuve de leur traditionnelle petitesse d’esprit. Ces relais communicationnels de Gilchrist Olympio font du dilatoire et distillent la rumeur selon laquelle c’est le « Président de la plage » qui aurait quémandé les pourparlers imminents à l’« Esprit nouveau », et de se demander ce qu’on reproche alors au « Leader charismatique », une façon donc de justifier sa traîtrise. Autre illustration, on tente d’éprouver l’unité au sein du Front républicain pour l’alternance et le changement (Frac). On claironne que Jean-Pierre Fabre adopte une démarche solitaire et exclut ses partenaires du Front de ces probables discussions.
Des thèmes de discussion
Voilà un gros point d’inquiétudes. Le commun des Togolais devrait naturellement évoquer comme premier sujet, ou même le seul, le contentieux électoral du 4 mars. A raison d’ailleurs, puisque c’est de la contestation de ces résultats proclamés qu’est née la situation politique délétère actuelle. L’atmosphère s’éclaircirait beaucoup et on aurait fait les ¾ du chemin si ce contentieux était réglé. Mais l’une des parties ne voudrait pas y revenir.
Selon les indiscrétions, le « Leader nouveau » ne voudrait pas voir la question inscrite à l’ordre du jour, comme pour dire : « Ce qui est acquis est acquis. J’ai déjà gagné et la communauté internationale a reconnu ma victoire. Donc pas question d’y revenir ». C’est cette réticence du pouvoir qui serait à l’origine du retard dans l’ouverture des discussions. Cette logique du camp Faure devrait rencontrer l’agrément de la communauté internationale, puisque lors de la récente rencontre entre le Frac et le groupe des cinq, du nom des cinq représentations diplomatiques de poids au Togo, la délégation des partenaires aurait souhaité que le contentieux électoral ne soit pas mis sur le tapis, ce qui aurait suscité la désapprobation des leaders de la contestation. Tout compte fait, à quoi pourrait servir un éventuel dialogue politique dans le climat actuel si le sujet du contentieux électoral n’est pas évoqué et débattu ?
(Qoutidien Liberte, Togo)